Une étude réalisée dans le cadre du séminaire » Les images entre histoire et mémoire « , le jeudi 24 janvier 2008 à l’INHA.
L’étude des blogs n’est pas ma spécialité, vous excuserez donc mon manque de vocabulaire et de connaissances sur le web 2.0. Je ne réalise pas ma thèse sur ce sujet, bien que les blogs recoupent souvent mes différentes problématiques. Mes premières recherches et d’ailleurs mes premiers pas sur les blogs remontent à peu près au début du projet que je coordonne, Afrique in visu. Avec ce blog, j’avais un réel vivier d’exploration devant moi.
Afrique in visu est une plateforme d’échanges autour du métier de photographe en Afrique. Le but de cette plateforme participative et contributive était de mettre en réseau les professionnels de l’image du continent africain. Cette interface web est avant tout un outil de communication et de diffusion pour les photographes qui permet un échange de savoir-faire autour de l’image. Initié en octobre 2006 au Mali, ce projet a connu un impact sur le continent africain dès le mois de janvier 2007. Plus de 1500 connexions, dont une majorité en Afrique, et surtout la majorité des commentaires venait des photographes locaux.
Par l’intermédiaire de ce projet, les photographes de la communauté Afrique in visu nous ont signalé les coordonnées de leur site professionnel ou de leur blog personnel. C’est à travers eux que j’en suis venue à m’interroger. Parallèlement au projet initial, j’ai commencé à observer les usages et les pratiques des téléphones mobiles autour de l’image au Mali et bien souvent, via ces recherches sur les mobiles, je retombais sur les blogs de téléchargement de musiques africaines, etc.
J’ai décidé d’examiner de plus près les blogs consacrés au Mali. Pour vous expliquer un peu les problèmes auxquels je me suis trouvée confrontée, commençons par les questions de méthode. En faisant une recherche du type « blog Mali » sur Google, on obtient essentiellement des sites d’expatriés. De même, la requête « blog malien » renvoie majoritairement à des blogs de Maliens de France. Bien que ces blogs soient très intéressants, car les blogueurs nous y présentent la communauté malienne de Paris et leurs vacances en famille au pays, je n’arrivais pas à trouver de blogs réalisés en Afrique par la blogosphère africaine.
Je me suis alors tournée vers des portails ou répertoires de blogs comme Afrikblog. Sur ces portails, la classification des blogs ne me paraissait pas toujours représentative. Ils se divisaient en plusieurs catégories-thématiques: musique, santé et beauté, tourisme et voyage… Cependant rien n’indiquait, si les utilisateurs s’en servaient à des fins professionnelles, de loisirs ou comme journal de bord. Comment procéder à un classement transversal de ces blogs? Comment rendre compte des usages et pratiques de ces blogs?
L’explosion des blogs en Afrique a surpris plus d’un observateur des TIC. Ceux qui parlaient de fracture numérique en sont parfois restés bouche bée. On pouvait désormais parler de saut numérique. On a beaucoup évoqué l’explosion des blogs au Maroc mais on a omis le reste du continent. En 2006, selon le Sudan Tribune, il y avait quelques centaines de blogs sur le continent majoritairement en Afrique anglophone comme au Nigeria, Kenya et Zimbabwe. White african, un blogueur connu, a réalisé une image de la multitude des différents portails de blogs à destination des anglophones. Actuellement, ce phénomène de multiplication est en train de toucher l’Afrique subsaharienne. Le blogueur camerounais Nino a promis de réaliser prochainement la même image pour les portails francophones. Le site Business 2.0 diffuse une carte interactive et dynamique qui fournit en temps réel les statistiques d’utilisation d’internet dans le monde entier, et pour une fois l’Afrique y est prise en considération.
Paradoxalement, alors que le téléphone mobile dont le taux de pénétration a explosé en Afrique, puisque le taux de croissance annuelle de la téléphonie mobile en Afrique de 2000 à 2005 est de 82%, internet s’est développé moins rapidement, principalement en raison du déficit en connexion haut débit. Néanmoins, les blogs en Afrique explosent et innovent! Comme le souligne Jean-Michel Cornu de la FING, l’Afrique à un savoir-faire extrêmement différent et intéressant, d’abord par le multilinguisme et le multiculturalisme de chaque pays. Celui-ci permet également de développer des entreprises, des médias à moindre coût, sachant que les sites 2.0 sont souvent réalisés à l’aide d’outils sous licence libre (actuellement, plus de 81 % des logiciels utilisés sur le continent africain sont des copies piratées).
A travers des travaux de chercheurs, de journalistes ou encore de blogueurs, la principale question soulevée était l’interaction entre blogs et média avec notamment l’émergence du journalisme citoyen. Pour n’en citer que quelques-uns: le média participatif camerounais sans journaliste 20mai.net, où tout citoyen peut s’exprimer sur le sujet de son choix. On peut également demander à recevoir gratuitement par SMS des informations sur les scoops au Cameroun. Pour la première fois, les écrits sont réalisés en Afrique, on sort de l’eurocentrisme ou du misérabilisme concernant le continent africain pour découvrir l’avis de personnes connaissant les réalités du terrain.
Il y a aussi les radios communautaires qui sont très nombreuses sur le continent. J’aime particulièrement reveil-fm.com, qui est la première radio associative et communautaire de Kinshasa. Cette radio est très engagée et dénonce régulièrement les problèmes de censure auxquels sont confrontés les journalistes locaux.
En me plongeant un peu plus sur les médias participatifs, je me suis rendu compte que la plupart des journalistes ayant un blog engagé venaient du monde de la radio. Par exemple, le blog très intéressant de Jacques Epangue, de Douala au Cameroun, Culturalles. L’exemple le plus connu est le blog de Cedric Kalonji de Kinshasa. Ce dernier est journaliste de la Radio Okapi. Il a été le premier blogueur à Kinshasa et a obtenu le prix du meilleur blog francophone lors du concours Best of the blogs organisé par la Deutche Welle et RFI, le Monde et Rue 89 l’ont dans leurs favoris. (…)
Je vais m’attarder sur deux billets de son blog qui m’ont fait sourire, le premier date du jour de Noël. Quelques jours avant, Cedric avait annoncé via son blog que son appareil numérique avait rendu l’âme. Le jour de Noël, un appareil photo tout neuf lui a été envoyé chez lui anonymement. Cet exemple montre que les lecteurs se sont attachés à son ton, souvent critique, ironique mais très vrai sur sa ville. Autre exemple: ce billet sur le comportement des Kinois, où il nous explique que la personne photographiée était fâchée et qu’il a du faire semblant d’effacer la photo. Cedric Kalonji nous dresse un portrait de son pays moderne, réel et non folklorisé comme sur les médias occidentaux.
Pourquoi une telle convergence entre blog et médias en Afrique? On observe un phénomène similaire en France, mais pas pour les mêmes raisons. Le principal intérêt du blog en Afrique est la liberté d’expression. Dans des pays où les politiques sont très répressives envers les journalistes, le blog est bien souvent le seul moyen d’évasion ou de communication. Cedric Kalonji qui n’a pas la langue dans sa poche, a reçu des menaces suite à ses publications sur son blog. Reporters sans frontières a publié un Guide du blogger et du cyberdissident qui est largement diffusé sur les blogs en Afrique. Voici un passage qui en dit long sur les situations auxquelles les blogueurs sont confrontés: «Dans les pays où la censure est reine, lorsque les médias traditionnels vivent à l’ombre du pouvoir, les bloggers sont souvent les seuls véritables journalistes. Ils sont les seuls à publier une information indépendante, quitte à déplaire à leur gouvernement et parfois au risque de leur liberté. Les exemples de bloggers emprisonnés ou harcelés ne manquent pas. L’un des contributeurs à ce guide, Arash Sigarchi, a été condamné à 14 ans de prison pour quelques posts critiques du régime iranien.» Ces problèmes ne sont bien sûr pas limités au continent africain.
Cela m’amène à vous parler des blogs politiques en Afrique et de leur impact. Il y en a tellement que je pourrais vous en parler pendant des heures. Dans les pays en conflit, on peut noter que les blogs ont tendance à devenir très politisés. Le blog devient une tribune de résistance et un moyen de communication très fort. Le Sudan Tribune évoquait le cas de deux chefs de guerre du principal mouvement rebelle du Darfour, l’Armée de libération du Soudan. Ils ont réussi à éviter un bain de sang en s’affrontant virtuellement via leurs blogs respectifs. L’exemple fait sourire, on pourrait croire un jeu vidéo mais il est vraiment symbolique du rôle du blog dans la politique des pays en conflit. Toujours selon la même source, les rebelles se désignent même comme des cyber-dissidents et lors d’affrontement le vol du téléphone satellitaire qui permet d’accéder au net devient stratégique…
Témoignant de l’importance des blogs politiques, le blog tchadien BakralFajRtchad se présente comme «un outil moyen de notre résistance au régime cruel assassin et despote de celui qui est le président du Tchad, Deby» (sic). Ce site est très intéressant surtout suite au dernier évènement liant le Tchad et
la France car il permet d’avoir un avis sur place, un témoignage de résistance contre le président actuel. C’est un véritable espace de parole politique.
L’un des photographes avec qui nous collaborons sur Afrique in visu, Baudouin Mouanda, du Congo-Brazza, a eu la chance de suivre une formation du CFPJ sur les blogs. Cette formation se basait sur l’étude des élections présidentielles en France. Il a été formé avec d’autres journalistes, d’autres pays africains. Avec eux, il souhaite, en 2008, monter en Afrique un observatoire sur les élections présidentielles pour éviter la corruption. J’ai souhaité ainsi vous présenter en écho à cela, le blog du Collectif des organisations démocratiques et patriotiques des Camerounais de la diaspora, qui a organisé un vote symbolique contre la corruption, au Trocadéro à Paris.
En-dehors du domaine politique, les blogs africains sont souvent très aléatoirement mis à jour et portent sur des sujets très variés. Le blog de Jean-Marc Feussom, camerounais vivant à Dakar qui traite à la fois de l’actualité africaine, du commerce équitable, et des maladies animales (son auteur est vétérinaire). Sur le blog de l’atelier des médias de RFI, les membres de cette communauté souvent issus de pays africains reviennent sur cette question: que doit on mettre sur un blog et comment ne pas faire du copier-coller?
(…) Le sport est l’un des principaux sujets évoqués. En 2008, le sport est majoritairement évoqué à travers
la CAN 2008 (Coupe d’Afrique des Nations). Le football est une véritable fierté pour les pays africains. Les sites présentent souvent des vidéos de match ou de buts diffusées sur dailymotion ou Youtube, comme le blog Ananzie, qui propose au supporter d’envoyer ses vidéos, ou encore le blog Samuel Eto’o fils, grand footballeur camerounais.
Viennent ensuite les sites consacrés à la musique. Nous pouvons à la fois nous retrouver devant des blogs qui permettent de télécharger les dernières chansons à la mode ou encore des sites de musiciens à l’image du Myspace d’Ahmed Fofana (de nombreux musiciens des pays africains utilisent cette plateforme). On peut noter l’émergence en 2007-2008 des blogs consacrés au slam où les blogueurs nous proposent de lire leurs textes.
Attardons-nous maintenant sur les blogs culturels, souvent tenus par des journalistes ou des artistes. Le blog Bamako culture nous tient au courant de l’actualité culturelle au Mali. Le site de la commissaire d’exposition nigériane Bisi Silva, qui a travaillé pour la Biennale de Bamako de 2007 sur l’exposition de la Finlande, propose de jeter un oeil sur l’art contemporain au Nigeria et nous amène dans son univers. Le photographe Harandane Dicko nous offre ses dernières séries photographiques via son blog. Ou encore le blog véhément de l’artiste mondialement connu Hassan Musa, présenté il y a peu dans l’exposition Africa Remix à Beaubourg, qui apostrophe des commissaires d’expo sur son site. Je ne peux que vous conseiller de lire son article très drôle « Dix trucs pour ne pas devenir un artiste africain« , qui critique le label africain que l’on met souvent derrière les œuvres d’art des artistes de ce continent.
L’industrie fait également partie des sujets traités par les blogs. Formation à distance en saponification artisanale et semi-industrielle est par exemple un site de formation à distance sur comment ouvrir une industrie de savon en Afrique ou qui donne les recettes du savon à base de karité. Ce site est intéressant car il montre comment développer des micro-crédits en Afrique et l’utilisation de blog à des fins commerciales et d’échanges de savoir-faire.
On n’oubliera pas les blogs sur la religion, très présents, comme celui des Musulmanes du cameroun. Ce site est sensé leur permettre de savoir ce que c’est que d’être une musulmane accomplie et épanouie dans sa croyance. Il est possible de télécharger des versets de la bible ou des sourates du coran via son téléphone mobile. Ce service rencontre un grand succès auprès des locaux.
Revenons enfin sur des blogs plus personnels, comme les nombreux blogs de la diaspora. La plupart sont animés par des jeunes gens d’origine malienne ou d’un pays africain mais nés en France. Ils recourent souvent à la plateforme de Skyrock, comme le blog de Bamako soldat ou malinews qui nous donne des nouvelles du pays, des fêtes maliennes en région parisienne et qui nous présente ici le Mali comme l’eldorado de l’Afrique. A signaler également le blog de Minga Siddick, ivoirien réfugié en France, la reprise des débats lancés via yahoo.fr par des internautes, auxquels le blogueur répond. Ce type de débat est très souvent repris sur la blogosphère africaine. Notons enfin le blog du président béninois Boni Yayi, malheureusement très peu mis à jour ces derniers temps mais qui existe depuis 2005.
On ne peut évoquer la blogosphère africaine sans parler des commentaires, qui sont nombreux sur tous les blogs africains, où l’on mélange la langue nationale avec la langue française, voire le langage sms.
Bonjour Jacques,
et merci pour ces petits coups de pubs…
Je connais bien ton blog que je lis souvent, je vois en plus dans ton parcours que tu es très impliqué dans les projets culturels à Doula…
N’hésites pas à nous faire passer des infos sir des évènements photos se passent!
Encore merci de diffuser Afrique in visu et mon intervention sur les blogs….
A bientôt
Jeanne
Merci beaucoup pour le clin d’oeil ça fait plaisir, je viens d’atteindre 400 000 visites ça fait encore plus plaisir merci à toutes les personnes qui passent réguliérement sur mon blog…
maliennement
diby
PEACE
Hi! Wonderful site! Great job! I want to share some cool info with you.
You are my breathing in.